JEREMIAH ❈ Oops ! I did it again...

L'abri n'était pas idéal, c'était un fait. Mais trouver une maison vide que tu estimes être plutôt sécurisable était devenu plutôt rare ces derniers temps, tu ne comptais plus vos mésaventures dans ce genre de situations, de fait, tu étais réticent à l'idée de fermer l'œil ailleurs que sur le siège conducteur de la jeep. Autant dire que quand vous êtes entrés ici, tu t'es mis à faire le tour de la maison, encore, et encore, tu as vérifié les portes, les fenêtres et quand Lilas t'as dit qu'elle sortait, juste sur le porche, pour une fois tu n'as pas réagis, ou presque pas. En fait, tu étais si occupé à te demander si la commode placée contre la porte du garage tiendrait le coup que tu l'as probablement gratifiée d'un « mh » qu'elle a très certainement pris pour une approbation.

Lorsqu'elle est revenue, un long après, tu venais à peine d'en finir avec l'étage, quand elle entre, tu secoues une dernière fois la porte de la cave, soulagé, en te disant que cette fois, l'endroit était sécurisé. Oui mais voilà, tu la connais, Lilas, et quand tes yeux se posent sur son minois, tu comprends qu'elle a encore fait une ânerie … Et pas n'importe laquelle, Jeremiah ! Elle n'est pas restée sur le porche, ça, tu aurais pu le deviner seul. Elle est allée dans la maison voisine, seule et rien que pour ça tu as envie de hurler. Tu le ferais, si les grognements provenant de l'extérieur n'attiraient pas ton attention. « Tu plaisantes ? Je viens de passer une heure à condamner toutes les issues ! » Fort heureusement, tu n'as pas touché la porte arrière, justement parce que la jeep est garée juste à côté.

Tu réagis vite, comme toujours, tu attrapes le tisonnier près de la cheminée - tu l'avais nettoyée, bon sang, vous auriez pu allumer un feu ! - puis de l'autre main tu viens chercher celle de Lilas pour l'embarquer avec toi vers la cuisine, à l'arrière. « Dépêche toi. » C'est la fin d'après-midi, tu songes déjà à la nuit qui va tomber, au fait que vous allez devoir rouler de nuit, et ça t'agace bon sang, t'as horreur de ça, même si t'as l'habitude. « T'as toutes tes aff-- … » Tu ouvres la porte arrière et un grognement se fait sursauter. Tu tombes nez à nez avec un marcheur, un truc qui jadis était probablement une femme. Relâchant Lilas, tu envoies le tisonnier dans sa tête aussi fort que possible et puis, tu refermes la porte. « Y'en a d'autres à l'arrière. » Tu annonces, en te mettant dos à la porte pour la bloquer le temps de trouver une idée de génie.

Oui, il voudrait m'arracher la tête. Heureusement pour moi, les grognements et grattements contre la porte ne lui en donne pas le temps. « Tu plaisantes ? Je viens de passer une heure à condamner toutes les issues ! » Je grimace. « Désolée. » répété-je. D'autant que j'aurais bien profiter d'une nuit au calme. Pas que je n'aime pas Lola. J'adore cette jeep. Mais ses fauteuils ne sont pas les plus confortables. Je dois l'avouer. Jeremiah se saisit de ma main et m'entraine vers la cuisine, armé d'un tisonnier. Merde, il y avait même une cheminée dans cette maison. Maintenant, je m'arracherais bien moi-même la tête.

« Dépêche toi. » Il n'a pas besoin de me le répéter. Je le suis au pas de courses. Quand il ouvre la porte, il n'a pas l'occasion de finir sa phrase. De toute manière, je m'apprêtais à le couper en lui assurant que mon sac était toujours sur la banquette arrière. Mais une femme -du moins ce qu'il en reste- se tient devant la porte. Nous empêchant de sortir. Jeremiah referme la porte d'un geste brusque. « Y'en a d'autres à l'arrière. » Je pointe la porte contre laquelle il est adossé du doigt. « Ceux-là, c'est pas moi ! » m'exclamé-je. Manquerait plus qu'il m'accuse de tout les maux. « Le portail qui mène au jardin est fermé, je n'y aies pas touché. » insisté-je. Ces rôdeurs ne sont pas ceux de la maison voisine. Ils viennent d'un autre endroit. Au moins, je culpabilise un peu moins. Mais cela ne change rien à notre situation. Nous sommes dans une merde noir.

Pour changer.

Je m'approche d'une fenêtre et soulève le rideau pour observer. Ils sont deux à s'approcher de la porte que bloque Jeremiah. Par contre, il y a un endroit, où je ne vois aucun infectés. « Si je sors pas la fenêtre de la salle de bain, je devrais atteindre Lola. » commencé-je. Je sais qu'il ne va pas aimer. Monsieur le super-héros veut toujours prendre les devants et se mettre en danger à la place des autres. Mais il ne passera jamais dans la fenêtre. Elle est bien trop étroite. Moi oui. « J'aurais plus qu'à leur rouler dessus et tu pourras courir jusqu'à la Jeep. » A tous les coups, il va dire non. Jusqu'à ce que nous n'ayons pas d'autres solutions...

Dé. Pi. Té. Et pourtant, ce n'est pas la première fois que ça arrive, c'est comme ça quand on choisit de tenter sa chance sur les routes plutôt que rejoindre l'un de ces camps qui ont fini par être fondés pour accueillir des survivants. Parfois, ce n'est de la faute de personne, parfois c'est de la tienne, parfois c'est de la sienne, alors tu râles mais tu sais au fond - et tu sais qu'elle le sait aussi - que tu ne lui en veux pas le moins du monde. L'essentiel, dans ces moments-là, c'est de s'en sortir, tous les deux.

Mais pour le moment, tu constates avec une certaine inquiétude que c'est mal engagé. Visiblement, si ça n'avait pas été les rôdeurs voisins, c'aurait été ceux-là qui seraient venus vous déranger, l'un dans l'autre, vous auriez eu des soucis ici quoi qu'il arrive même si se débarrasser de deux rôdeurs aurait été plus gérables qu'une dizaine … Tant pis. Pour l'heure, vous devez trouver le moyen de sortir d'ici, de monter dans la voiture et de filer.

Tu refermes la porte, tu n'es pas certain d'avoir abattu le premier marcheur, mais il y en a deux autres maintenant, et il est hors de question de se lancer dans la mêlée ce soir, vous êtes fatigués tous les deux, même si ça ne se voit pas, chaque journée est difficile. Vous manquez un peu de nourriture ces derniers temps, vos stocks s'épuisent et bientôt, vous allez devoir sérieusement vous mettre en quête. « Ils devaient être dans les parages, inactifs … » Allongés dans un coin, immobiles faute de nourriture. Tout ce qu'il leur fallait, c'est du bruit, le signe d'une vie quelque part pour qu'ils se remettent en mouvement pour tenter de vous dévorer.

« Hors de question ! » Tu ne veux pas que vous ayez à vous séparer. L'idéal, dans ta tête, c'est de réussir à sortir tous les deux, d'aller tous les deux jusqu'à la jeep, et de fuir. Point. Son plan ne te plait pas le moins du monde mais comme trop souvent avec elle, tu dois te rendre à l'évidence, elle a simplement soulever l'un des seuls moyens que vous ayez. Derrière toi, ça tambourine dans la porte et bientôt, la petite vitre du haut de la porte cède, le verre se déverse par petits morceaux coupants sur ta tête et tes épaules, une main nauséabonde passe par l'ouverture pour essayer de t'attraper. « Bon, d'accord, mais tu sors ton arme … Pas le couteau, l'autre. » Le glock, celle que tu refuses qu'elle utilise parce qu'il fait bien trop de bruit mais qui est moins risquée et bien plus efficace que le couteau qu'elle trimballe avec. « Dès que j'entends le moteur qui démarre, je sors … » Ceux qui sont derrière toi seront attirés par elle, tu auras le champ libre, mais cette pensée te déplaît. « Aller, va, dépêche toi … Mais fais attention à toi ! Ne cherche pas à t'occuper d'eux, tu cours, et tu montes dans la voiture. »

Je n'ai même pas besoin d'observer son expression pour savoir qu'il n'aime pas mon idée. Il est comme ça mon papi, il refuse de me mettre en danger, faisant de ma sécurité son objectif premier. « Hors de question ! » Je hausse un sourcil désapprobateur. Je vois bien qu'il cherche une autre solution. Je n'ai même pas besoin d'argumenter, ça tambourine avec deux fois plus de forces à la porte. Pire, la vitre explose, semant des morceaux de verres sur Jeremiah. Une main passe, tentant de l'attraper. Les années ont beaux passés et le nombres de rôdeurs que je croise se multiplier, je ne supporte toujours pas cette vision. Au moins, Jeremiah cède à mon idée. « Bon, d'accord, mais tu sors ton arme … Pas le couteau, l'autre. » J'ai un sourire en rangeant Norris et en sortant Chuck. « Faut pas me le dire deux fois. » La sensation de la crosse de mon arme dans ma paume reste l'une des plus réconfortantes de mon existence.

C'est dire à quel point elle a changée en si peu d'années...

« Dès que j'entends le moteur qui démarre, je sors … » J'acquiesce. « Je serais là. » Faut dire que j'ai appris à démarrer rapidement. Puis, Lola n'a plus de secret pour moi. « Aller, va, dépêche toi … Mais fais attention à toi ! Ne cherche pas à t'occuper d'eux, tu cours, et tu montes dans la voiture. » Comme il déteste ce plan. Dans un sens, moi aussi. Je ne suis pas celle qui se met en danger en temps normal. Mais quand on a pas le choix. Je l'embrasse rapidement, incapable de partir sans un dernier baiser. « Promis. » murmuré-je contre ses lèvres.

Je devrais arrêter de faire des promesses que je ne suis pas sûre de tenir.

Je sors rapidement de la cuisine. Nous n'avons pas le temps de nous attarder. Dans la salle de bain, je remarque la fenêtre. Elle est plus haute que je ne le pensais. « Quand faut y aller. » marmonné-je. Je glisse le glock dans la ceinture de mon pantalon, remonte les manches de mon pull et me hisse sur le rebord de la baignoire. Il me faut tirer avec force sur la fenêtre pour l'ouvrir. Qui sait depuis combien de temps elle n'a pas été ouverte. Je me hisse sur la pointe des pieds et vérifient aux alentours. Toujours pas de rôdeurs en vue. Malgré tout, Chuck retourne dans ma main. J'ai promis après tout. Puis je passe la tête dans l'ouverture. Pas d'autres choix, je vais devoir me laisser tomber dans l'herbe haute en bas. Impossible de passer d'abord mes pieds pour amortir ma descente. « Allez, Lilas, t'es capable de faire une petite traction. » D'une poussée plus ou moins élégante avec mon arme en main, je me hisse et bascule vers l'extérieur. « Outch ! » grommelé-je en touchant le sol. La jeep n'est plus qu'à quelques mètres de moi. Je m'apprête à me relever, pour courir vers elle. Mais rien ne se passer comme prévue.

Une chose s'abat sur mon bras gauche et avant que je ne puisse réagir, les dents d'un infecté s'enfonce dans mon avant-bras. Je ne l'avais pas vu. Caché dans les hautes herbes, il attendait son moment. Je lui ai offert sur un plateau.

Malgré l'horreur de la situation, les réflexes reprennent le dessus. Ma main droite s'approche, le canon de Chuck s'enfoncent dans sa tête et je tire. La pression sur mon membre disparait et je suis libre. Je déglutis en tirant mon pull pour couvrir ma blessure.  Je ne veux pas la voir. Je ne veux pas réfléchir à ce qu'elle signifie. D'autant que je n'ai plus le temps.

Le tir va attiré les autres. Je me relève et cours vers Lola. Une fois la portière ouverte, il ne me faut que 30 secondes pour allumer le contact, jeter Chuck sur le tableau de bord, enclencher la marche arrière et écraser la pédale d'accélérateur. Les deux rôdeurs qui se tenaient devant la porte de la cuisine s'avancent vers moi. Ils finissent sous les roues et je freine devant Jeremiah pour qu'il puisse grimper. « Vous avez commandé un uber ? » C'est ça Lilas, fais la mariole pour oublier que tu vas crever.